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23 octobre 2024

Kim Desormeaux - kdesormeaux@medialo.ca

L’itinérance à Terrebonne | Entre bienveillance et défis

Nuit des sans abri 2024 Terrebonne

©Laureen Peers - La Revue

La 35e Nuit des sans-abri du sud de Lanaudière a eu lieu le 18 octobre dernier au parc Saint-Sacrement.

Alors que Terrebonne tenait la Nuit des sans-abri, le 18 octobre, un événement qui vise à sensibiliser la population à la réalité des personnes en situation d’itinérance, les témoignages recueillis auprès des acteurs de première ligne révèlent un portrait poignant et complexe de la situation.

Derrière les statistiques se cachent des histoires humaines de résilience, de lutte contre l’exclusion, mais aussi des défis qui semblent parfois insurmontables.

Selon Nathalie Côté, policière à Terrebonne, l’itinérance n’est plus seulement un problème des centres-villes. « On en voit de plus en plus dans les petites banlieues. Il n’y a pas que des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendances. On voit de plus en plus de Monsieur et Madame Tout-le-Monde qui, à la suite d’une situation particulière, se retrouvent à la rue ». Cette réalité transforme la manière d’intervenir : « Il faut être bienveillant et sans jugement, en étant à l’écoute des besoins et en dirigeant les personnes vers les bonnes ressources ».

Les organisations communautaires locales, comme Le Trajet, confirment cette observation. « L’itinérance à Terrebonne a évolué ces dernières années. On remarque une hausse marquée de l’itinérance, où des personnes qui n’auraient jamais pensé se retrouver dans cette situation frappent à nos portes, » explique Isabelle de l’organisme.

En effet, ces personnes, qui se retrouvent souvent sans domicile à la suite de circonstances imprévues, sont en quête d’un filet de sécurité. Dans ce contexte, des organismes comme La Hutte jouent un rôle essentiel. Avec une capacité d’hébergement d’une cinquantaine de places, l’organisme affiche un taux d’occupation proche de 100 % en permanence. « Nous refusons des personnes seulement parce que nous sommes complets. Il n’y a pas de liste d’attente, et on essaie de diriger ceux que nous ne pouvons pas héberger vers d’autres services, », explique Bobby Arpin, chef d’équipe à l’organisme.

Les besoins sont variés, et La Hutte tente de s’adapter à différentes situations. « Nous offrons des services pour l’itinérance situationnelle, cyclique et chronique. Cette année, nous observons une augmentation des séjours prolongés, notamment chez notre clientèle plus âgée », poursuit-il. Pour pallier ce manque de place, l’organisme ouvre une halte chaleur en hiver, de novembre à mars. « Cela permet à ceux qui n’ont pas de place de passer la nuit au chaud, de se nourrir et de se doucher. Cependant, les dortoirs sont limités à six places, et même avec ces solutions, nous atteignons des taux d’occupation de 98 % ».

Les conséquences de la violence conjugale sur l’itinérance

Les situations qui mènent à l’itinérance sont souvent plus complexes qu’on ne le pense. Une femme rencontrée sur place, qui tenait à garder l’anonymat, a vécu des années de violence conjugale. Elle a fui son conjoint en 2022, un pervers narcissique, selon ses propos, qui s’en est aussi pris à ses enfants. « Mon fils de 22 ans est devenu itinérant après être tombé dans la consommation. Je n’ai plus de contact avec lui. C’est une des conséquences de cette relation toxique », a-t-elle confié avec émotion.

La violence conjugale est un facteur important qui pousse certaines personnes à la rue, et ses répercussions peuvent s’étendre bien au-delà de la rupture. « J’ai dû me battre pendant deux ans pour que mon ex-conjoint ne s’en sorte pas indemne, mais au final, il a seulement reçu des travaux communautaires », ajoute-t-elle, encore marquée par cette épreuve. Elle souligne l’importance de briser le silence et d’encourager les victimes à chercher de l’aide, même si le chemin vers la réinsertion peut être long et semé d’embûches.

« Le visage de l’itinérance change. On retrouve de plus en plus de jeunes et de femmes ». -Isabelle, Le Trajet. 

Nuit des sans abri 2024 Terrebonne

©Laureen Peers - La Revue

Vickie et Francis-Olivier de l'organisme Le Trajet distribuaient une trousse de soin.

Des jeunes vulnérables en quête de repères

L’itinérance touche également une population de plus en plus jeune. À Terrebonne, La Hutte a mis en place des services spécifiquement dédiés aux jeunes de 18 à 25 ans, souvent des ex-placés de la DPJ qui peinent à trouver un point de départ pour leur vie d’adulte. « Nous offrons des logements de transition pour ces jeunes qui ne savent pas trop par où commencer. Ce service est en place depuis un an, et nous avons déjà aidé plusieurs d’entre eux à trouver une certaine stabilité », poursuit M. Arpin.

La montée de l’itinérance chez les jeunes est un phénomène préoccupant. « Il y a eu une augmentation de la clientèle jeune ces cinq dernières années. Nous devons réfléchir dès maintenant à des solutions à long terme, car si la tendance se maintient, nous serons confrontés à un problème encore plus grave dans les prochaines années », prévient-il. La précarité des jeunes, combinée à l’insécurité économique, accentue leur vulnérabilité face à la rue.

Un soutien communautaire essentiel

 « L’année dernière, nous avons réussi à trouver un toit pour l’hiver à une quinzaine de personnes en situation d’itinérance et ce sera à refaire cette année. J’ai confiance que nous y arriverons », mentionne Marie-Ève Couturier, conseillère municipale et mairesse suppléante de la Ville de Terrebonne.

Malgré les défis, les intervenants en itinérance gardent espoir. Le travail de collaboration entre les organismes, les autorités municipales et les citoyens permet d’offrir des solutions à court terme, comme les services d’hébergement d’urgence, tout en envisageant des projets plus perpétuels. « Nous travaillons tous dans le même sens pour simplifier et améliorer nos pratiques. Cela nous permet de rester unis face à cette situation », conclut Bobby Arpin de La Hutte.

Nuit des sans abri 2024 Terrebonne

©Laureen Peers - La Revue

De nombreux vêtements et autres dons étaient mis à la disposition gratuitement.

La TROCL appelle à des mesures plus ambitieuses

La Table régionale des organismes communautaires autonomes de Lanaudière (TROCL) critique le quatrième plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté, le qualifiant de décevant. Dans sa première analyse sociopolitique, la TROCL souligne l’absence de mesures concrètes pour répondre aux besoins des personnes en situation de vulnérabilité, alors que les coûts de la vie continuent d’augmenter. Le directeur de la TROCL, Hugo Valiquette, déclare : « L’éléphant a accouché d’une souris », appelant le gouvernement à revoir son plan pour mieux soutenir les organismes communautaires et les Lanaudois en difficulté.

Nuit des sans abri 2024 Terrebonne

©Laureen Peers - La Revue

Guy et Dominick de l'organisme Aidehomme basée à Mascouche.

Les hommes aussi demandent de l’aide

Pour Dominick, intervenant au Centre de ressources pour hommes du sud de Lanaudière « la situation de l'itinérance est de plus en plus présente chez les hommes pour diverses raisons, que ce soit la violence conjugale, la hausse des loyers, la hausse du coût de la vie, etc. » Il ajoute qu’à l’approche de l’hiver, nombreux sont les hommes à avoir de la difficulté à trouver un logement, car il y a peu de ressources pour eux. « La demande est continuellement en hausse pour des enjeux qu’on n'avait pas nécessairement avant. [...] De plus en plus de jeunes se retrouvent en précarité sociale », souligne-t-il.  

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